NOTE SUR
LES BALLONS DE VALLOTTON
Proposition de Dominique Blaise
L'enfant au jardin, Le jardin de Jocelyne et Victor, Chaponost 2014
Lorsque j’ai reçu l’invitation de Victor pour “L’enfant au jardin”, un célèbre tableau de Vallotton m’est revenu immédiatement en mémoire. Il s’agit de la gouache sur carton de 1899, intitulée Le ballon, qui figure au Musée d’Orsay.
Dés lors, ma réponse à participer à l’exposition ne pouvait être que positive, et découler du tableau lui-même, dont le souvenir si prégnant m’ouvrait un champ d’investigation.

J’ai toujours vu dans ce tableau un ballon qui va disparaître sous les buissons. C’est le petit ballon rouge (tonique chromatique du tableau à dominante vert-bleue), celui qui a dû donner son titre au tableau. Un autre ballon figure, un peu plus près, plus gros mais moins visible car vaguement orangé ce qui le confond avec le sable.
Le petit ballon rouge échappe à l’enfant qui joue. Lorsqu’il aura roulé hors de l’aire de jeu, il sera perdu car les arbres bas qui empiètent sur le sable sont impénétrables, et menaçants, comme souvent les massifs végétaux peints par Vallotton. Ceux-là ressemblent aux masses gluantes qu’on voit dans les films de Miyazaki.
Cette lecture spontanée faite dés la première vision, a résisté à toutes les autres. Même en m’attardant dans l’observation du tableau, elle les a dominées. La découverte des personnages du fond aggrave l’inquiétude. S’agit-il des mères sensées surveiller leurs enfants? elles sont bien loin et ont l’air de papoter, ou de comploter. Mais c’est bien la perte de son ballon par l’enfant, drame inéluctable par excellence, qui reste, pour moi, le sujet latent du tableau.

Une transposition directe de ces remarques aurait consisté à disperser des ballons partout où le jardin de Victor permet d’en cacher. A charge pour les enfants visiteurs de les trouver.
Mais je voulais par ailleurs combiner cette proposition éphémère pour “L’enfant au jardin” avec la pérenne qu’est La guetteuse, cette chaise en fer interminablement haute, que nous avons mis dans le jardin Victor et moi.

Alors j’ai pensé à un ballon gonflé d‘hélium arrimé à la chaise. Certes il n’est pas encore perdu, mais inaccessible déjà -comme le petit ballon rouge du tableau. Pas encore parti mais prêt à partir, on ne sait où, selon le vent.
La vue d’un ballon retenu, avant le lâcher, donne une légère inquiétude.
On pourrait mettre d’autres ballons semblables, arrimés ailleurs dans le jardin, bouées flottant sur la verdure.
Lorsqu’on les lâchera -ce pourrait être les visiteurs qui coupent l’attache , ils iront se cacher dans les nuages, ces buissons du ciel, rejouant le numéro de la disparition que jouait au sol le ballon de Valloton .


Dominique BLAISE - 2014